Longtemps pensées comme de simples zones de transit ou de consommation, les entrées de ville commerciales sont aujourd’hui au cœur des stratégies de transformation urbaine. Face aux défis de la transition écologique, de la sobriété foncière et de l’attractivité des territoires, leur réinvention devient une priorité. De la transformation rapide des petits sites aux grands projets sur le long terme, en passant par la création de foncier économique et la coopération public-privé, quatre leviers se dessinent pour accélérer leur mutation. Décryptage.

Priorité #1 : réussir la mise en œuvre des projets sur les sites de petite taille sur le prochain mandat municipal 2026-2032

Cartographier les sites de moins de 3 hectares sur les territoires

Parmi les entrées de ville commerciales, les sites de petite taille (1 à 3 hectares) constituent la réserve foncière dont une partie serait la plus rapidement transformable. Il est donc essentiel de se saisir pleinement de ce potentiel foncier. Cela suppose dans un premier temps un travail précis de recensement des entrées de ville commerciales rapidement mutables au sein de ces espaces, en ciblant notamment les friches et sites d’un seul tenant foncier. Mené par les collectivités, ce recensement peut mobiliser l’expertise des observatoires fonciers et observatoires des friches, ou être l’occasion de créer ce type de structures.

Initier un dialogue entre acteurs privés et publics

La transformation des sites d’entrées de ville commerciales peut susciter des inquiétudes voire des réticences chez les acteurs commerciaux privés. Dès lors, il convient de lancer le plus tôt possible les démarches de concertation auprès de ces acteurs, pour connaître précisément leurs besoins et attentes. Ainsi, prendre connaissance des problèmes d’exploitation d’un site commercial en entrée de ville est une étape clé pour initier un projet de transformation pertinent. Plusieurs leviers sont à la disposition des collectivités pour associer les acteurs privés et intégrer leurs besoins aux projets de transformation. Outre les outils réglementaires habituels de l’aménagement, l’acquisition d’une parcelle par la collectivité ou un aménageur peut être un moyen d’intégrer le syndicat de copropriétaires et entrer dans un dialogue étroit avec les propriétaires privés concernés

Identifier les sites prioritaires et lancer les premières études pour concevoir un projet adapté aux attentes des habitants, des commerçants, des investisseurs et du territoire

Le recyclage foncier des entrées de ville commerciales est une opportunité rare d’y introduire de nouvelles fonctions urbaines. Cette programmation doit être conçue au plus près des besoins du territoire et de l’environnement dans lequel ces projets s’insèrent, en anticipant finement leur évolution. Ainsi, bien comprendre les sites permet d’éviter les cessions ou investissements pouvant figer leur forme actuelle.

Plusieurs facteurs conditionnent la possibilité d’y introduire des espaces renaturés, des logements, voire de nouvelles activités économiques : le rattrapage par l’étalement urbain, la bonne desserte en transports en commun et l’accessibilité à pied ou à vélo, la présence de services de proximité… Surtout, la complémentarité de ces programmations avec les centres-villes doit être pleinement anticipée et préparée, pour ne pas créer de nouveaux pôles concurrents.

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Priorité #2 : structurer rapidement une gouvernance robuste pour porter la transformation des grands sites sur le temps long

Inscrire les entrées de ville commerciales dans la stratégie foncière de long terme pour le territoire et les documents de planification

Les sites de grande taille (plus de 15 hectares) constituent la très grande majorité du potentiel foncier identifié dans les entrées de ville commerciales. Cependant, ils sont aussi les sites les plus difficilement mobilisables, et leur transformation ne peut s’envisager que sur le temps long. Le premier enjeu pour réussir la transformation de ces sites est donc la définition par la collectivité d’une vision de long terme. Celle-ci doit reposer sur une connaissance fine du site (cartographie de la propriété, des types d’occupation…) et des besoins des propriétaires et exploitants concernés, au regard du contexte foncier à l’échelle du territoire. Cette expertise foncière est indispensable pour définir les invariants du projet porté par la collectivité, mais aussi pour s’assurer de l’équilibre économique du projet sur le long terme.

Initier les études de cadrage stratégique en associant l’ensemble des parties prenantes : collectivité, aménageur, propriétaires et enseignes

La transformation des grands sites d’entrées de ville commerciales implique une grande diversité de parties-prenantes : collectivités, propriétaires, exploitants… Aussi, une fois la vision de long terme définie par la collectivité, il est indispensable de mettre en place des instances de concertation des acteurs privés. Ces instances doivent intégrer les propriétaires, pour identifier leurs besoins, les contraintes financières pesant sur eux, mais aussi préciser la cartographie foncière du site. Elles doivent aussi associer les exploitants, pour connaître leurs besoins immobiliers, et éviter les effets d’éviction des enseignes, en préparant les transferts éventuels dans le cadre d’opérations tiroirs.

Aborder le plus tôt possible les macros-équilibres financiers pour partir sur des bases de réflexion pragmatiques et réalistes

L’équilibre économique des projets de transformation d’entrées de ville constitue un point d’attention majeur. Cette transformation peut impliquer la dégradation de recettes de court terme (les loyers commerciaux), et son équilibre économique est dès lors indispensable. Or, le prix des fonciers concernés est particulièrement élevé, et peut se doubler du prix des fonds de commerce. Face à ces coûts, la mobilisation des EPF constitue un levier efficace pour assurer la maîtrise foncière publique. Les sociétés foncières privées peuvent également être des partenaires dans le portage des projets. Enfin, l’utilisation de montages renforçant l’intégration des bilans d’aménageurs, promoteurs et exploitants constitue un levier clé dans l’équilibrage économique des projets de transformation.

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Priorité #3 : saisir les opportunités de création de fonciers économiques, en particulier dans les sites difficiles à transformer

Dans les sites difficilement mutables, détecter les opportunités foncières pouvant accueillir de nouvelles activités

Face à l’impératif de sobriété foncière, le foncier économique devient une ressource rare. Les premières friches apparaissant dans les entrées de ville commerciales représentent dès lors des opportunités stratégiques, en particulier dans les sites les plus difficiles à transformer.

Dès lors, il est essentiel d’assurer une veille foncière précise pour détecter au plus tôt l’apparition de « dents creuses » dans les entrées de ville commerciales. Ce travail peut notamment passer la structuration d’une ingénierie foncière dans les services des collectivités, ou par la sollicitation des EPF et observatoires fonciers existants. Dans les sites dont la transformation paraît particulièrement complexe, ces emprises peuvent être une opportunité pour expérimenter une diversification économique des entrées de ville, et préfigurer une potentielle transformation plus globale.

Recenser les besoins fonciers des filières économiques stratégiques du territoire

La raréfaction de la ressource foncière est susceptible d’accroître la concurrence entre acteurs économiques dans l’accès au foncier déjà artificialisé. Les collectivités doivent donc mobiliser leurs services dédiés au développement économique pour connaître précisément les besoins fonciers et immobiliers des entreprises de leur territoire. Cette veille est particulièrement essentielle s’agissant des activités les plus consommatrices d’espace (industrie, logistique, agroalimentaire…). Outre la connaissance des besoins fonciers des différentes filières, elle doit alimenter la stratégie de développement économique portée par la collectivité.

Réaliser de premières opérations démonstrateurs pour produire un effet d’entraînement

Il est en effet essentiel que les collectivités déterminent précisément les filières qu’elles souhaitent protéger et développer au sein de leur territoire, au regard des emplois associés, de l’existence d’un tissu entrepreneurial local, d’un écosystème de recherche et de formation… Ainsi, le rôle des collectivités ne relève pas de la simple mise en relation d’un besoin et d’une opportunité foncière, mais d’une stratégie réfléchie d’allocation des ressources foncières aux filières clés. Elles peuvent encourager l’utilisation optimisée de ces surfaces foncières par le développement et l’expérimentation de nouvelles formes immobilières plus optimisées (usines verticales, hôtels industriels…) et en ciblant des activités compatibles avec l’environnement urbain (artisanat, zones d’activités, data centers).

 

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Priorité #4 : réussir l’alliance des acteurs publics et privés, condition sine qua non de la transformation des entrées de ville

S’inscrire en complémentarité avec le centre-ville et éviter les effets de concurrence.

La transformation des entrées de ville commerciales suscite de nombreuses inquiétudes quant au devenir des centres-villes. Il est en effet indispensable de ne pas saper les efforts déployés depuis une décennie pour redynamiser des centres-villes et centres-bourgs déjà concurrencés par les entrées de ville sous leur forme actuelle. Cette complémentarité avec le centre-ville est ainsi le 2e facteur de succès le plus évoqué par les répondants. La programmation envisagée dans les entrées de ville commerciales doit donc être réfléchie pour ne pas concurrencer les centres-villes à proximité. Elles doivent s’inscrire en cohérence avec les politiques de régulation et de planification des polarités commerciales déployées dans les territoires.

Définir une vision de long terme du projet et construire très en amont des pré-modèles financiers pour réussir les opérations d’aménagement et immobilières

Si elle ne doit pas dégrader l’activité et l’attractivité commerciale de ces espaces, la transformation des entrées de ville commerciales constitue malgré tout un changement de paradigme. Il est donc indispensable de fédérer les parties-prenantes en définissant un projet de long terme pour les sites concernés, facteur de succès retenu par 64 % des répondants. Les collectivités jouent un rôle clé dans la définition de ces visions de long terme. Conçu en cohérence avec leurs stratégies territoriale et économique, ces projets doivent bénéficier d’un portage politique constant, pour initier et maintenir la mobilisation foncière et économique nécessaire à la transformation des entrées de ville commerciales.

Créer un consensus politique et territorial

Les entrées de ville commerciales sont des espaces de consommation encore plébiscités par les Français. Elles jouent ainsi un rôle structurant dans le quotidien des habitants et, dès lors, dans les dynamiques économiques, résidentielles et de mobilité des territoires où elles s’insèrent. Au-delà des acteurs économiques directement concernés (propriétaires, exploitants), la transformation de ces espaces doit donc s’incarner dans des projets largement concertés, avec les habitants, les usagers et les élus à l’échelle de toute l’aire urbaine concernée. Le consensus ainsi bâti autour du projet de transformation est en effet une condition clé pour permettre son portage sur le temps long.

 

Pour en savoir + : consultez notre baromètre des entrées de ville.

 

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