En 2050, la ville pourrait être plus verte et inclusive, répondant mieux aux défis climatiques et sociaux. Si certaines métropoles comme Vancouver et Brent réinventent déjà leur urbanisme pour favoriser la mixité, la généralisation de cette transformation dépendra d’une mobilisation politique et financière ambitieuse. L’enjeu est désormais d’accélérer cette transition avant qu’il ne soit trop tard. Témoignage d’Hélène Chartier, Directrice de l’urbanisme et du design au C40.

Quelle est votre vision de la ville de 2050 ?

Il y a la vision désirable de la ville de 2050, il y a celle peut-être dans laquelle nous avons intégré les enjeux du changement climatique. On a réduit nos émissions, on a créé finalement plus de nature pour faire face au changement climatique qui est déjà là. Nous avons un peu plus intégré les différents niveaux sociaux, différentes personnes, mais aussi les fonctions pour créer ces quartiers qui sont plus agréables et plus vivables pour tous. C’est la vision qui est assez partagée je pense. Maintenant, le grand défi c'est la capacité. Est-ce que l’on est capable d'y aller et d'y aller suffisamment vite ? On voit se développer partout dans le monde beaucoup de projets-clés, phares dans ce sens-là, mais n' est-on pas encore dans la généralisation de cette vision ? Il faut une mobilisation, des moyens financiers, de l'arsenal politique, des politiques publiques pour aller mettre en œuvre cette vision et l'accélérer pour qu'en 2050 nous ayons un avenir désirable.

 

La ville est-elle trop cloisonnée aujourd’hui ?

La ville n’était pas forcément cloisonnée autant avant. Les choses ont beaucoup changé depuis l'urbanisme un peu fonctionnaliste qui s'est développé. L’introduction de la voiture en ville, ou en tous cas des mobilités individuelles, ont permis que nous n’ayons plus besoin autour de chez nous des services, des commerces, les choses un peu essentielles à notre vie. Nous avons étendu les distances et cloisonné les parties de la ville, créé des quartiers résidentiels, d'affaires ou commerciaux. C'est plutôt une accélération de la ville cloisonnée qui s'est passée depuis le milieu du siècle dernier, ce qui n'était pas tout à fait le cas avant quand on regarde notamment les centres-villes européens.

Depuis déjà des dizaines d'années des grands urbanistes comme Jane Jacobs ou Jan Gehl ont vivement incité à revoir ce modèle d'urbanisme cloisonné afin que l’on soit dans une ville plus organique, plus intégrée.

 

Pouvez-vous partager des exemples de villes qui ont surmonté ces fractures fonctionnelles et sociales ?

On voit beaucoup les grandes villes américaines, qui sont peut-être le symbole de ce cloisonnement, parfois avec un centre-ville très économique, et puis le reste, une expansion urbaine très résidentielle. Et on voit beaucoup de ces villes-là qui sont en train d'enlever toutes les règles d'urbanisme des single use zoning, c’est-à-dire des zoning avec des usages très particuliers. Une ville comme Vancouver, au Canada, revoit complètement ses règles d'urbanisme pour aller vers ce qu'ils appellent des « quartiers complets et marchables » partout et pas seulement autour des stations de métro ou des quelques quartier-clés, mais vraiment sur l'ensemble des quartiers. Il y a beaucoup de visions d'urbanisme mais aussi des politiques très concrètes qui sont en train de se faire. Par exemple la ville de Brent au Royaume-Uni propose une fiscalité incitative pour que tous les projets qui incluent des fonctions d'éducation, de sport, de culture, de loisirs aient un abattement fiscal d'à peu près 90 %. Beaucoup de choses se font au niveau des villes et des acteurs pour être dans cette intensité des usages et de cette mixité d'usage. Pour favoriser la mixité sociale, un certain taux de logement social est demandé dans des villes comme Johannesburg ou Londres pour chacun des grands développements urbains. C’est un retour à cette ville plus organique que, finalement en Europe, on connaissait bien il y a des décennies.

 

Découvrez l’interview d’Hélène Chartier en vidéo :

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