13 June 2025 • News
La transformation des zones commerciales périphériques et des entrées de ville s’impose comme un enjeu majeur pour les élus intercommunaux. Témoignage de Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France et président du Grand Chalon, élu député de la 5ème circonscription de Saône-et-Loire en mai 2025.
Dix ans après la loi NOTRe et quatre ans après la loi Climat et Résilience, les élus intercommunaux sont pleinement engagés dans la transformation des zones commerciales périphériques et des entrées de ville. Ce sujet est désormais central dans les politiques d’aménagement du territoire.
La sobriété foncière, conjuguée à la transformation du modèle commercial (recul des hypermarchés, essor du e-commerce), rend indispensable une réflexion stratégique sur la place des espaces commerciaux dans nos territoires, souvent développés ces dernières années sans lien réel avec la dynamique de population et peu générateurs d’emplois. À l’heure où les élus locaux s’attachent à revitaliser les centralités via les programmes Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain, ces zones de périphérie peuvent aujourd’hui générer des déséquilibres territoriaux et environnementaux durables.
Les intercommunalités abordent ces transformations dans une approche systémique du bassin de vie, en articulant aménagement, mobilité, économie et environnement. Elles veillent donc à éviter les concurrences entre centralités et périphéries, à préserver les investissements publics réalisés dans les conventions et programmes ORT, Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain, et à mieux intégrer ces zones à la trame urbaine (transports, équipements, nature en ville).
La diversification des usages, notamment l’arrivée de logements, suscite des inquiétudes partagées avec d’autres acteurs sur les risques de précarité urbaine ou de mauvaise qualité résidentielle.
Elles sont également attentives à la cohérence urbaine des projets : mixité fonctionnelle, renaturation, lien avec les mobilités. Le foncier commercial en zone périphérique devient un levier de plus en plus stratégique, face à la vacance et aux potentielles friches en zones commerciales.
Les intercommunalités ont gagné en maturité grâce à des expériences locales et au soutien de dispositifs récents tels que le plan national de transformation des zones commerciales périphériques, ou encore la vague 2 du programme Action Cœur de Ville, qui intègre désormais la problématique des entrées de ville et d’agglomération. Cette évolution permet une meilleure intégration des intercommunalités dans la gouvernance politique des projets ACV, initialement centrés sur le seul cœur de ville.
Cette montée en compétence s’appuie également sur la progressive généralisation des PLUi (Plans Locaux d’Urbanisme intercommunaux), qui constituent un outil stratégique de planification à l’échelle des bassins de vie et de consommation. En 2024, 56 % des communes sont incluses dans un périmètre de PLUi à l’échelle nationale, 24 % disposent d’un PLUi opposable (contre 29 % pour les communes ACV), et 32 % sont en cours d’élaboration (contre 20 % pour les communes ACV).
Ce sujet est appelé à monter en puissance, en raison de la nécessité de repenser et requalifier des zones devenues obsolètes ou qui le deviendront bientôt, sous l’effet de l’évolution des modes de consommation, de nouvelles obligations réglementaires (de sobriété foncière, de restrictions des véhicules polluants...) et de la raréfaction des surfaces à destination économique (les friches commerciales offrant des opportunités foncières pour l’industrie par exemple).
Les retours d’expérience de nos adhérents montrent une volonté claire d’éviter les erreurs du passé : refuser les zones monofonctionnelles, privilégier la densification qualitative, associer les acteurs économiques, inscrire les projets dans une logique de long terme plus durable et accessible.
Certaines intercommunalités expérimentent aussi de nouveaux formats de gouvernance, associant commerçants, habitants, bailleurs, ainsi que les communes des zones concernées à des démarches collectives. La transformation des zones commerciales devient ainsi un vecteur d’attractivité et de cohésion territoriale.
Les élus signalent plusieurs freins : rigidité du cadre juridique, déficit d’ingénierie, manque de financements, conflits d’usage, coordination complexe avec certains opérateurs.
Deux points de vigilance majeurs émergent aujourd’hui. D’abord, la reconversion massive et systématique des zones commerciales en espaces résidentiels interroge : en l’absence de services publics, de transports et d’une vraie réflexion urbaine, ces opérations peuvent engendrer une précarité résidentielle et un cadre de vie dégradé.
Ensuite, dans un contexte de réindustrialisation nécessaire et d’impératif de transition écologique, ces zones constituent une opportunité stratégique pour accueillir de nouvelles activités productives. La reconversion des zones commerciales peut être un levier pour conjuguer sobriété foncière et redéploiement industriel, tout en répondant aux besoins croissants en foncier pour soutenir les ambitions économiques du pays. Le besoin des entreprises est estimé à 22 000 hectares à horizon 2030.
Intercommunalités de France propose plusieurs leviers, et appelle à une pleine reconnaissance de l’échelon intercommunal dans la gouvernance de l’ensemble des programmes nationaux liés à la transformation urbaine, tels qu’Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain. Compte tenu de ses compétences stratégiques en matière d’aménagement, de mobilités et de développement économique, l’intercommunalité est un gage d’efficacité et de réussite opérationnelle sur le terrain. Intercommunalités de France a fait plusieurs propositions, comme renforcer les documents de planification, créer un fonds national dédié à la transformation des zones commerciales et un observatoire national des friches commerciales, développer le soutien à l’ingénierie de projet...
Ces leviers doivent permettre de donner aux intercommunalités les moyens d’une action à la hauteur des enjeux de transition, de cohésion territoriale et de reconquête économique, qui sont au cœur de la requalification de nos entrées de villes.