Solutions endogènes
Alors que dans son discours de politique générale, Jean Castex a prononcé 25 fois le terme de territoire, Mathieu Hanotin et François Baroin appellent à une meilleure répartition des pouvoirs. Carlos Moreno, dans une table ronde précédente, dénonçait le fait qu’on ait « du mal à comprendre les prérogatives des métropoles ». Pour François Baroin, si les maires avaient eu un pouvoir en matière de santé, le confinement n’aurait pas été national ; il aurait certainement concerné les régions du Grand Est, de l’Ile-de-France et du Nord, mais cela aurait eu des impacts moins désastreux sur l’économie : « L’État gage sur les générations qui suivent 20 points de dette de PIB, soit 450 milliards d’euros ! ». Le maire de Troyes pense que l’État doit modifier son regard pour avoir une ambition décentralisatrice en matière de santé, de médico-social, de culture, de logement et peut-être même d’emploi.
Mathieu Hanotin quant à lui souhaite un droit à la différenciation car certains territoires ont des besoins spécifiques : « Notre droit sur le logement indigne convient à 90% du pays, mais est totalement inadapté dans certains quartiers ». Cynthia Fleury avait cité Aristote pour qui la norme, étant générale, était de ce fait discriminante. Il convient donc d’appliquer une norme en cherchant en même temps à en gommer les discriminations qu’elle génère.
Ce sont des solutions endogènes qu’il faut trouver, comme l’explique la philosophe : « une solution endogène, c’est une combinaison de gouvernance nationale et locale. C’est un droit à l’expérimentation. Le maître-mot pour demain, c’est la décentralisation, mais une décentralisation opérationnelle ».
Intolérance à l’incertitude
Le regard de la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury est éclairant à bien des égards. Avec la Covid et ses comorbidités, tous les effets délétères socio-économiques d’insécurité psychique montent en flèche : « Il y a une intolérance à l’incertitude et c’est ainsi que l’on définit la psychose. Plus on traverse des moments collectifs d’incertitude, plus il faut créer une sorte de manteau de climat social de réassurance pour encaisser psychiquement le coup. » Si, selon elle, l’État a joué son rôle – chômage partiel, facilitation administrative,… – il doit continuer de le faire sans quoi des phénomènes de dissociation des destins émergeront. Cynthia Fleury pense notamment aux travailleurs indépendants ou aux petites structures qui n’ont pas la trésorerie pour encaisser la situation alors qu’ils ont passé une vie à créer leur situation professionnelle.
La philosophe revient sur la gestion de la crise : « dans un premier temps, on a la biologie : la vie. Et on a mis tout le monde sous cloche : c’est le confinement. Mais c’est la valeur de la vie qui nous intéresse. Donc protéger la vie humaine oblige à protéger l’humanité de la vie. La vie est indivisible et la vie économique est une partie essentielle du plaidoyer de la vie. La cohabitation avec la Covid est nécessaire pour défendre la vie humaine. C’est devant nous maintenant ». Une manière humaniste et lucide de regarder vers demain.