18 juin 2025 • Actualité
À l’heure où les défis écologiques, démographiques, sociaux et économiques se conjuguent pour redéfinir les politiques d’aménagement du territoire, la transformation des entrées de ville commerciales apparaît comme une opportunité majeure. Face à l’urgence de réduire l’artificialisation des sols, d’anticiper le vieillissement de la population, de favoriser l’inclusion et la mobilité durable, ainsi que de répondre à la crise du logement, ces zones stratégiques doivent être repensées en espaces multifonctionnels, écologiquement responsables et intégrés aux projets locaux. Témoignage d'Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais.
Nous devons renouveler notre politique d’aménagement du territoire face aux urgences écologiques, démographiques, sociales et économiques auxquelles nous devons répondre. Il s’agit aujourd’hui de repenser la ville de demain et ses usages, tout en veillant à placer l’habitant et son bien-être au cœur des préoccupations. Cela passera par requestionner nos modes de vie : notre manière de produire, de consommer, de nous déplacer, d’habiter nos territoires…
La question écologique est évidemment un enjeu majeur qui doit être intégré de manière transversale à toutes nos politiques d’aménagement. Indéniablement, la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité s’imposent à nous et doivent guider nos choix.
Sur le plan démographique et social, il y a la question du vieillissement de la population à anticiper, avec par exemple en 2040, plus d’un Français sur quatre qui aura 65 ans ou plus.
L’évolution significative de la composition des foyers est également un élément à prendre en compte en matière de choix d’aménagement ; nous comptons aujourd’hui 26 % de familles monoparentales, cela nécessitera par exemple de développer des logements et des services de proximité adaptés. L’accessibilité des villes, aux personnes en situation de handicap, doit également être prise en compte. Nous devons veiller à créer des villes inclusives et adaptées aux besoins de tous ses habitants.
La mobilité qui conditionne la possibilité de vivre et de travailler dans les zones périurbaines ou rurales demeurent également une question centrale pour nombre de nos concitoyens. Sur ce point, il faut non seulement désenclaver mais aussi décarboner.
Sur le plan économique, la mutation de nos commerces et la recherche de nouveaux modèles économiques viables doivent s’adapter à l’évolution des modes de consommation et à l’usage du numérique.
Enfin, ces urgences ne peuvent être traitées sans une prise en compte de l’équilibre entre les territoires, qui doit rester une boussole pour que chaque concitoyen puisse continuer à choisir de vivre là où il le souhaite et pour garantir une équité entre les territoires. Les entrées de ville, souvent caractérisées par des zones commerciales étendues, des infrastructures routières imposantes représentent des points stratégiques où repenser l’aménagement peut permettre de répondre à tous ces enjeux. La transformation des entrées de ville commerciales représente une réelle opportunité à condition de les réinventer en quartiers, en lieux plus mixtes en termes d’usages et écologiquement responsables.
La loi Climat et Résilience, notamment l’objectif de zéro artificialisation nette qui exige une réduction de notre consommation foncière, est un accélérateur de la transformation de nos territoires, de nos villes et par conséquent de nos entrées de ville. J’y vois une réelle opportunité de penser l’espace autrement mais, comme pour toute conduite du changement, il faudra que cela se fasse avec TOUS les acteurs concernés. De nombreuses initiatives parlementaires accompagnent ces évolutions.
Nous savons que les projets d’urbanisme sont souvent particulièrement complexes, longs et coûteux. En tant que législateur, nous devons faciliter la construction et la transformation de nos territoires. Il nous faut simplifier, raccourcir les délais des procédures, réduire les coûts et accompagner les porteurs de projets. Lutter contre le gâchis des mètres carrés et faciliter la mutation des usages des bâtiments est un autre axe clé pour encourager l’adaptation de nos villes aux enjeux d’avenir. La proposition de loi « transformation des bureaux en logements », par exemple, va dans ce sens en simplifiant la modification des sous-destinations de plan local d’urbanisme ou même encore la nature du permis de construire délivré.
Une autre proposition de loi, visant également à simplifier le droit de l’urbanisme, déposée à l’Assemblée Nationale par le député Huwart va plus loin encore. Soutenue par la ministre du Logement, elle permettra d’accompagner l’accélération des projets, notamment en matière de production de logements. Elle propose également la généralisation de permis d’aménager dits multisites, aujourd’hui réservés à certains périmètres comme les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les opérations de revitalisation de territoire (ORT).
Pour toute transformation d’entrée de ville, il me semble tout d’abord essentiel d’intégrer les spécificités locales et de répondre aux projets de territoire portés par les élus. Il ne peut y avoir de projet type car ils doivent répondre aux besoins des habitants.
L’entrée de ville doit également être pensée dans son ensemble, pour y apporter une réelle cohérence ; les qualités paysagères et architecturales sont des éléments importants avec l’intégration d’espaces verts, végétalisés… Repenser les entrées de ville suppose d’intégrer les enjeux environnementaux, notamment par la création de parcs, d’espaces verts, d’ilots de fraîcheur, etc., ce qui contribuera naturellement à la qualité de vie des habitants mais aussi à la restauration de la biodiversité. Réduire l’empreinte carbone des aménagements en favorisant l’usage d’énergies renouvelables, par exemple, doit également faire partie intégrante du projet.
Il s’agit aussi de rendre ces entrées de ville attractives et vivantes. Cela passe par une offre diversifiée de services et d’usages : des commerces de proximité, des services publics et privés, l’accessibilité, des espaces verts, un habitat abordable et de qualité permettant de disposer, par exemple, d’un extérieur… La densification et la mixité des fonctions sont des impératifs.
La mobilité durable est également un enjeu clé. Il faut impérativement repenser les infrastructures routières pour favoriser les transports en commun et veiller à limiter l’usage de la voiture pour garantir un bon accès à l’ensemble du futur quartier. Cela implique de faciliter les circulations douces – à pied, à vélo. Enfin, la mutabilité des espaces doit être anticipée. Les entrées de ville transformées doivent pouvoir évoluer avec le temps, en fonction de l’évolution des besoins des territoires et de leurs habitants.
Les élus ont besoin de foncier pour la mise en œuvre de leurs projets de territoire. Or celui-ci sera de plus en plus rare et de plus en plus cher. Les friches urbaines et industrielles ont d’ores et déjà été identifiées pour répondre à ces enjeux et nombre de projets ont déjà fait l’objet de transformations remarquables.
Toutefois, aujourd’hui, la transformation des entrées de ville constitue effectivement un enjeu majeur dans la recherche de solutions à la problématique de la sobriété foncière. Avec plus de 500 millions de m², elles représentent un réel gisement de foncier pour les élus, qu’il est nécessaire d’exploiter plus massivement encore, notamment pour répondre à la crise du logement à laquelle ils sont confrontés. Dans certains territoires particulièrement tendus, le manque ou la cherté du foncier rendent impossible la construction de logements abordables. L’opportunité de transformer leurs entrées de ville leur ouvriront de réelles perspectives pour loger leurs habitants ou en accueillir de nouveaux.
Pour les élus, il y a également un enjeu d’attractivité de leurs communes. Ce qui signifie que revitaliser les entrées de ville ne doit pas se faire aux dépens des centres-villes, pour beaucoup, déjà en difficulté en matière d’attractivité commerciale. Mais d’un autre côté, transformer son entrée de ville, bien la penser, c’est en faire une belle vitrine du territoire avant d’accéder au centre-ville…
Face à la diversité des acteurs concernés par la transformation d’une entrée de ville, des enjeux parfois divergents de ces mêmes acteurs (commerçants, promoteurs, élus…) et la complexité des procédures, la méthode est un élément clé de réussite. La mobilisation de moyens financiers est bien sûr essentielle, mais la concertation et la conduite collective du projet seront déterminantes.
Nous assistons à une prise de conscience de ces nouveaux enjeux, encore différente selon les acteurs… Nous avons donc un défi commun à relever : celui d’accélérer le changement et d’adapter nos territoires. Mais en veillant bien à écouter et à "embarquer" tous les acteurs concernés !