Transformer une immense zone commerciale en un véritable quartier de vie : c’est le pari audacieux lancé à Mérignac Soleil depuis 2010. Entre enjeux environnementaux, complexité du foncier, montage financier... cette opération d’aménagement hors norme témoigne des nombreux défis à relever. Témoignage de Jérôme Goze, dans le livre blanc d'Icade sur les entrées de ville publié fin 2024, en tant que Directeur général de la Fabrique de Bordeaux. 

La refonte de la zone commerciale Mérignac Soleil, qui se concrétise aujourd’hui, a été initiée en 2010. Pouvez-vous revenir sur les raisons qui ont motivé cette réflexion ?

Le projet d’aménagement de Mérignac Soleil a vu le jour en 2010 dans le cadre d’une réflexion globale sur l’habitat de demain mené par les élus de la métropole avec des urbanistes. Pour montrer qu’il est possible de faire évoluer une zone monofonctionnelle autour d’un hypermarché Carrefour, imperméabilisée à plus de 90 % et constituant l’un des plus importants ilots de chaleur de la métropole, en lieu d’habitation différent des zones pavillonnaires environnantes, il a été décidé de construire un îlot témoin. Les premiers 146 logements ont ainsi été livrés en mai 2020 sur un total de 2 800 prévus à horizon 2032.

Pour créer un véritable quartier mixte, il fallait ajouter des commerces de proximité et surtout des espaces et des équipements publics. Le quartier est desservi depuis avril 2023 par l’extension de la ligne A de tramway, reliant Bordeaux centre à l’aéroport Bordeaux-Mérignac.

Les aménagements prévus, qui seront tous reliés par des allées piétonnes et cyclables afin de diminuer l’utilisation de la voiture, sont :

  • deux, voire trois parcs,
  • une crèche,
  • un ensemble scolaire,
  • et des équipements sportifs.

En quoi cette opération d’aménagement est-elle différente de celles menées ailleurs dans la métropole bordelaise ?

Le projet Mérignac Soleil a plusieurs caractéristiques uniques. Son ampleur tout d’abord, la zone à aménager couvrant 69 hectares, avec du foncier qui était uniquement privé initialement. Contrairement à des opérations classiques, il s’agit en effet de terrains détenus par une multitude de propriétaires, dont l’activité commerciale continue au milieu des chantiers des nouveaux programmes immobiliers. Dix millions de personnes se rendent chaque année à Mérignac Soleil, soit l’équivalent de la fréquentation du Mont-Saint-Michel !

Le projet se distingue également par sa durée, plus longue, et son montage financier. Notre budget s’élève à plus de 70 millions d’euros, comprenant notamment le rachat et l’aménagement des 15 hectares d’espaces publics, largement désimperméabilisés. 

Particulier ce projet l’est aussi par ses performances en matière de développement durable. Il a été labellisé en 2022  « démonstrateur de la ville durable » dans le cadre de France 2030. Les logements, qui forment un ensemble architectural harmonieux et que nous avons voulu abordables pour tous les ménages, tout comme les équipements publics tirent ainsi le meilleur parti du rayonnement solaire et de la circulation naturelle de l’air et intègrent des matériaux biosourcés et issus du réemploi.

Quels sont selon vous les ingrédients du succès ? 

Mérignac Soleil est un grand laboratoire où plusieurs acteurs, publics et privés, démontrent qu’il n’existe pas une seule manière de transformer une zone commerciale en quartier mixte. Le plus important a été de trouver rapidement les conditions de la concertation sur le projet comme sur son financement. Nous avons négocié avec chacun des nombreux propriétaires, les grands comptes et des propriétaires plus modestes comme les entreprises locales.

Le plus difficile a sans doute été de faire comprendre aux acteurs privés que nos rythmes ne sont pas les mêmes. On ne crée par une ligne de tramway en quelques mois ! Je n’ose pas dire que ce projet est exemplaire, car comme le dit le proverbe « l’expérience n’éclaire que le chemin parcouru », mais il me semble qu’il démontre que pour construire la ville sur la ville en périphérie urbaine, il faut accepter la complexité. S’il fallait citer un point à améliorer, ce serait l’évolution du cadre réglementaire, car il n’est pas aisé de construire la ville du 21e siècle avec les outils des années 60.

Cliquez ici pour consulter le livre blanc publié par Icade « Entrées de ville, quartiers de vie » dédié à la transformation des entrées de ville.

 

Les points à retenir sur la transformation des zones commerciales pour des quartiers plus vivants : 

La transformation de nos zones commerciales est un défi passionnant. C'est aussi un enjeu urbain majeur pour créer des quartiers à respirer, où tout se mêle harmonieusement.

Mérignac Soleil, projet phare de transformation, le montre bien : il a fallu composer avec la complexité du foncier, la durée des chantiers, et de nombreux autres éléments...

Convertir ces espaces autrefois monofonctionnels permet de créer de nouveaux lieux de vies. Nous voulons des lieux vibrants, qui favorisent la mixité des usages et offrent une vraie qualité de vie. Comment atteindre ces objectifs ? Par exemple, désimperméabiliser les sols pour laisser la terre respirer, intégrer des transports en commun pour une circulation fluide, et surtout, développer des équipements et des logements pour tous, à des prix abordables, avec des commerces et des services à proximité.

Des quartiers où l'on se sent bien, où tout est à portée de main, où le quotidien prend un sens nouveau.

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